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Une pharmacopée millénaire

La pharmacopée tibétaine compte plus de 3 000 ingrédients différents d'origine végétale, minérale et animale. La plupart de ses recettes comprennent entre 5 et 20 composants, tous naturels et de qualité supérieure.

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Les quatre montagnes et le Royaume de la médecine

Selon le texte écrit par le « père » de la médecine tibétaine Yuthok
Yonten Gonpo, c'est dans la cité du bouddha Sangyé Menla que l'on
trouve tous les ingrédients pour la préparation des médicaments. Ce
royaume merveilleux porte le nom de Tanadug, qui se traduit par « un
endroit si beau qu'on ne peut se lasser de regarder ». En partant du centre
du palais dans les quatre directions se tiennent les montages où se
trouve toute la Materia medica.
Sur la « Montagne Tonnerre », au sud, poussent les plantes gorgées
d'énergie solaire aux qualités chaudes. Les principales sont la grenade, le
poivre noir, le poivre long et le gingembre. Ils soignent les maladies dites
« froides ».
Sous influence lunaire, la « Montagne enneigée », au nord, accueille les
arbres et les plantes aux qualités froides. Le bois de santal, le camphre et
le bois d'aigle traitent les maladies dites « chaudes ».
A l'est de Tanadug se dresse la « Montagne parfumée », couverte de
bois de myrobolan chébulique (Terminalia chebula), la « matière pre-
mière reine » des composés médicinaux. Le myrobolan, aux propriétés
exceptionnelles, guérit tous les désordres.
La surface de la « Montagne garnie », à l'ouest, est couverte de safran;
des animaux et des oiseaux s'y promènent; toutes les pierres précieuses
et autres minéraux s'y trouvent. Là poussent les six bonnes substances.
Elles agissent par analogie. La forme d'une plante indique l'organe ou
une partie du corps avec laquelle elle a un lien : la noix de muscade est
bénéfique pour le cerveau, le clou de girofle soigne l'aorte et le canal éner-
gétique central, la sève de bambou et l'argile blanche sont idéales pour
les poumons, le safran guérit les désordres du foie, la cardamom verte
enforce les reins et la cardamome noire soutient la rate et le pancréas.

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Grâce à ses vertus multiples, la pharmacopée traditionnelle tibétaine
soigne les maladies les plus complexes

La matière première

La plupart des composés médicinaux sont constitués de cinq, vingt, voire plusieurs dizaines d'éléments. Les ingrédients sont à 80% d'origine végétale comme les feuilles, les écorces, les racines, les fleures et les résines. Certaines recettes incluent des produits d'origine animale, par exemple des cornes, des os, des organes, des carapaces, des coraux. Grâces aux recherches locales menés par des amchis du Tibet, de Mongolie et d'autres pays et régions, nous pouvons bénéficier aujourd'hui de grande variété de substituts. Ce qui permet de remplacer certain composants difficiles à trouver en Occident et d'adapter les recettes à l'individualité de chaque patient.

Autre catégorie de matière première, les pierres et les métaux précieux: or, argent, cuivre, fer, lapis-lazuli, rubis, turquoise, saphir, émeraude, agate, perles... Ils interviennent en association avec les plantes dans la fabrication des "pilules précieuses" et doivent être raffinés, détoxifiés, réduit en poudre  avant d'être intégré à des préparations ou des pilules sous peines d'effets contraires. Traditionnellement , les pilules précieuses sont préscrites dans les cas de maladies grave ou chroniques et quand tous les autres moyens de traitements ont échoué, c'est-à-dire le traitement par le changement d'alimentation, et du style de vie, par d'autres médicament et par des thérapies externes

Dans la pharmacopée tibétaine peuvent être utilisés également les terres, les argiles et les sables ainsi que les minéraux: mercure sulfuré, magnétite, mirabilite, borax veneta, calcite, soufre.

Souvent le nom du médicament indique la substance principale et le chiffre donne le nombre d'ingrédients. Par exemple Se dru 5 - grenade

aux cinq composants; Gabur 25 -camphre aux 25 composants; Mu tig 70 - perle aux 70 composants. Dans les autres cas, le nom du médicament reprend le nom de son créateur ou décrit d'une façon métaphorique l'action principale du remède ou son indication ou encore son aspect physique ( comme la couleur).

Les formes médicinales

Après un premier recours à un changement du style de vie et d'alimentation par les goûts et les caractéristiques, l'amchi  dispose d'une panoplie de dix médecines aux actions "apaisantes" et sept autres aux actions "purgatives".

Les dix apaisantes sont: les décoctions, les poudres, les pilules, les dégus (les sirops épais), les beurres médicinaux, les cendres, les khenda (une substance concentrée), les alcools médicinaux,

les pilules précieuses et les composés de plantes.

Parmi les dix apaisantes, les décoctions sont les plus rapides à agir. Les poudres , mode de médicament le plus utilisé, agissent moyennement vite. Les pilules ont un effet relativement lent. Le degu  traite les maladies chroniques. les beurres médicinaux servent à nourrir le corps exténué. les cendres entrent dans les compositions traitant les déséquilibres du froid. PHOTO

Le khenda est utilisé pour soigner la fièvre. les alcool médicinaux soulagent les maux du système nerveux et les états émotionnels forts. Les pilules précieuses s'utilisent quand les huit remèdes précédents n'ont pas réussi à vaincre la maladie. Enfin, les composés des plantes sont utilisés pour aider les gens qui ne mangent pas de produits animaux.

les sept médecines purgatives sont, quant à elles: le traitement par l'huile, les laxatifs, les vomitifs, les médicaments nasaux, deux types de lavement et la purification des canaux.

Où trouver les ingrédients?

La pharmacopée tibétaine repose sur l'utilisation d'ingrédients locaux. Selon la croyance, ils soulagent plus efficacement les êtres vivants de la région car ils évoluent dans le même environnement.

En réalité tous les ingrédients ne se trouvent que rarement au même endroit et parfois il faut les chercher assez loin. Les amchi de Mongolie, autrefois, ne pouvaient pas compter sur les caravanes venus d'Inde ou de Tibet en raison de la longueur et de la difficulté des trajets, certaines plantes périssant pendant le voyage. La meilleure solution pour résoudre ce problème d'approvisionnement fut de rechercher des substituts locaux. En utilisant le goût, les caractéristiques et les saveurs post-digestives des ingrédients, les amchi mongols non pas seulement trouvé les remplaçants aux composants les plus importants mais ils ont developpé une tradition pharmaceutique bien à eux au sein de la pharmacologie tibétaine.

Cet exemple historique très encourageant propose une solution au manque de ravitaillement en matières premières. le praticien occidental désirant fabriquer ses propres médicaments va sûrement rencontrer plusieurs obstacles. certains ingrédients, comme la plupart des épices, les sels et les résines sont assez faciles à se faire procurer en France. Il suffit de les commander dans les boutiques en ligne ou auprès des grossistes. Souvent, ils peuvent s'acheter dans les magasins bio. Même chose pour les plantes faisant à la fois partie de l'herboristerie européenne et de la pharmacopée tibétaine comme le calendula, la grenade, la courge, la rose, le rhododendron, l'armoise, etc. Quant aux ingrédients traditionnels asiatique comme Terminalia chebula, Emblica officinalis, Terminalia bellerica, ils se trouvent dans les magasins chinois ou indiens. Assez à la mode, ils ne sont pas les plus difficiles à trouver. Là où il faut vraiment partir en quête du Graal, c'est pour acquerir les substances mal connues ou méconnus en Europe: par exemple, le brag zhun (shilajeet en hindi), mélange pétrifié de plusieurs composants. Il se présente sous forme d'excroissances ou de bosses accrochées aux parois des cavernes. Cette substance-là et d(autres aussi exotiques s'achètent directement en Inde et dans les pays voisins. Enfin, certains elements utilisé dans la médecine tibétaine sont interdits en France, ce qui rend leur application difficile. C'est le cas de l'aconit. 

Où acheter des médicaments?

La question de savoir où se procurer les médicaments et les ingrédients pour les produire est très importante. Les remèdes sont fabrique de manière traditionnelle dans trois pays: l'Inde, la Mongolie et la Chine (le Tibet).

Cependant, il faut se méfier. Quand le médicament provient d'une institution connue pour sa réputation irréprochable comme le Lhassa Tibetan Medecine College, le Dharamsala Men-Tsee-Khang, il n'y a aucune crainte à avoir. En revanche, certaine compagnies pharmaceutiques asiatiques qui fabrique et commercialisent les remèdes tibétains ne fournissent pas toujours des produits de qualité.

Parfois, par cupidité ou par envie de satisfaire les besoin du marché croissant des remèdes alternatives, ils s'autorisent à rectifier les recettes en enlevant des substances rares ou trop chères. Cela peut affaiblir le médicament, le rendre inutile ou même dangereux.

L'Etat français a édicté des règlements très stricts concernant les médicaments traditionnels à base de plantes en appliquant une procédure d'enregistrement auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L'autorisation est délivrée pour cinq ans, après avis d'une commission d'autorisation sur le marché. En Europe, les freins réglementaires empêchent les commandes faites sur le site du Dharamsala Men-Tse-Khang en Inde d'arriver jusqu'au destinataire. Elles peuvent rester bloquées en douane. L'entreprise suisse Padma est la seule en Europe à proposer des médicaments préparés sur la base des formules tibétaines. Malheureusement, ils ne sont pas autorisés sur le marché français.Les Pays-bas, la Suisse, et l'Estonie sont les seuls pays européens où la médedine tibétaine est reconnue.

Il est strictement déconseillé de prendre les médicaments sans avoir consulté un amchi. Seul le médecin qualifié, ayant terminé le cursus complet au sein d'une institution reconnue (comme celles cités plus haut) a le droit de prescrire de tels traitements.

Quel avenir pour la pharmacopée tibétaine en Europe?

Depuis quelques années, cette pratique ancestrale rencontre un vif succès à travers le monde. Or, en raison de l'utilisation excessive des réserves naturelles, plusieurs plantes sont en voie de disparition. Le réchauffement climatique et le retrait des couches glacières, la déforestation, l'urbanisation, la pollution, l'industrialisation et le tourisme (pour ne citer que ces quelques facteurs) ont tous un impact grave sur la biodiversité de l'Himalaya. Néanmoins, il existe des moyens pour préserver la flore et la faune du Tibet et de ses pays voisins. La solution peut venir de l'Occident: en cultivant les plantes adaptées aux différentes conditions climatiques d'Europe, en cherchant des substituts locaux pour des végétaux rares et difficiles a faire pousser, et en développant la fabrication des médicaments à l'échelle locale pour les rendre accessibles à un grand nombre de personnes

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Le Cordyceps sinensis, ou yartsa gumbu, un champignon originaire du Tibet utilisé comme tonifiant, se ramasse en automne et au printemps.

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